horizons
de mémoire



chanté la mémoire des paysages comme un bouleversant devoir de peinture
des horizons alors à prononcer ici pour relire, relier, recroire
lignes poétiques pour illuminer, rejoindre l'élan initial

ressenti, abordé, établi quatre moments, quatre approches de l'image, livrés par vos toiles, selon un processus, un ordre, précis de mémoire
ouverture d'un amont, souvenirs
paysage du tableau, théologie de l'horizon
continuation en aval, un réel relu
final, les moments rassemblés exposés dans une mémoire perspective


cerné ainsi le processus des persistances, leur dialogue et leur musique, l'image éclairée

devant la toile silencieuse, retrouvé ensuite comme une recherche de joie, les thèmes de ces quatre mouvements, cheminement et débordement des impressions cumulées, impression remarquable, achèvement
(prononcé ici tout le ressenti de ces étapes pour dialoguer avec l'œuvre, la prolonger peut-être)

lignes à hauteur de lignes,
investi d'idéales étendues,
versé




images de l'amont

F1

lu la réactivation d'un paysage aimé traverser celui du tableau dans un sentiment d'intimité troublant, d'un déjà vu précis, réconfortant, un paysage réceptacle où l'on peut projeter de la mémoire, où s'impriment doucement nos propres paysages admirés (souvenir d'un beau en éveil), un temps qui précède celui du tableau

paysage de la neutralité où s'exercent tant de projections passées ou futurs

voulu rejoindre ces villes imaginaires, semblé les avoir déjà admirées, peut-être seulement espérées, simples lignes posées là sur d'immenses surfaces ; traversé de loin ces paysages, s'en être approché, être allé au delà, traversé les couleurs et les formes, exalté ;
peint les deux mondes en un même temps en une même surface, le lisible et l'invisible

capturé les lignes de la Nature, juste les lignes, les restituer, lignes essentielles qui chantent ses murmures colorés, ses variations tranquilles, celles qui permettent d'aboutir en son coeur, le notre alors qui se repère, qui se reconnaît, pour enfin se repaître;
lignes directrices d'un ordre sentimental visuel et nouveau à ressaisir ; cheminé dans le réseau pur et clair (qui nous distance du peu), ces lignes qui mènent à l'amour

voyagé du cœur du paysage vers ce souvenir auquel je n'avais pas cru, éclatant, débordant, en son centre

ciselé des clochers d'églises qui pourraient alternativement être aussi bien des arbres imprimés sur l'hiver figé, la dissolution des formes par l'horizon, noir tremblé d'improbables mâts au dessus du devoir horizontal de porter

la ligne qui semble ressouder entre elles des images séparées, le réel que l'on avait un jour pensé, là toutes réunies sur la surface

projeté tant de vie sur ces paysages, ces allées parcourues, repéré enfin, retrouvé le familier de l'histoire, les chemins de terre, les villes connues ou désirées ; précipité de l'imaginaire sur la couleur dense, flamboyante

un espace qui chante une couleur et une ligne, retrouvé là alors tout ce qui a été aimé (après avoir été oublié), le féroce retour imprévu

juste une ligne pour voir l'horizon clair, débarrassé du détail qui encombre l'épanouissement du souvenir, claire voie de lumière par dessus l'immense, lueur d'un retour qui se lève, qui ne se cachera plus ; imaginé alors des acteurs familiers pour rejouer la scène

étendu le paysage pour faire apparaître les autres comme une grille de lecture idéale pour décrypter, transcrire, le chant possible alors, l'émotion en mouvement, la lumière mouvante aussi, le souvenir qui ne part de rien, vierge, en réalité innombrable

capturé les simples traits essentiels et fondateurs qui peuvent permettre de prolonger, de construire, de retrouver l'image avec toutes ses propres exactitudes, ses composantes idéalisées, ses dimensions symboliques

n'ai gardé de ce paysage que le squelette, reconstitué sa chair, le relief, terre vibrante sous un soleil pressenti hors cadre, la résurgence immédiate, automatique, généreuse

peint les points de vue qui n'ont pas de nom, ni de preuve d'existence mais seulement des points de vue qu'on semble déjà avoir vu, connu et admiré

vu le grand espace comme un quadrillage serré où l'image peut à souhait se répéter, dans lequel on pourra projeter et multiplier nos engagements, notre courage à volonté, l'infime épreuve, l'adoubement secret silencieux

coupé aussi l'espace en morceaux ; n'ai gardé que des extraits, des passages, des élans, au hasard un chemin pour mieux se réserver ensuite l'impression de lointain qui s'intensifie, l'impression qui se raccorde ligne par ligne, point par point, au vaste espace originel, plus forte, plus longue, un lointain qui raconte et libère un vécu

entendu comme une instruction de l'horizon, une leçon pour intensifier les regards, contraster les infimes jusqu'à l'écoute prête à se déployer ; l'horizon chef de mémoire, l'orchestre, son étendue sage et obéissante, sous sa ligne de conduite, ses ordres musicaux joués par de si grandes couleurs

et de ces murmures de lignes, semblé peu à peu en reconnaître la mélodie, la toile qui semble avoir intégré une mémoire, la toile réserve de mémoire, vu non pas l'horizon de l'instant mais l'horizon de mémoire

horizon, ligne de la mémoire figée ou changeante, lu des souvenirs (étirés sur les bords) mais aussi du présent (élargi en surface)

prononcé l'horizon pour retrouver le chemin, sa mémoire qui flamboie
travaillé alors sur cette mémoire à chaque mouvement, à chaque écoute

dans ces mises en mémoire d'horizon, parcouru des terres lointaines, des souvenirs enfouis qui se sont éclairés, vibration, élévation des ombres, formes vivantes qui se sont dessinées, le lien qui est apparu




l'horizon de ces toiles devenu une théologie à établir, à méditer; versets pour un recueillement

D58

vu l'apparition du paysage du tableau comme un paysage de la neutralité où l'on peut distinguer des forces nouvelles, un chant particulier, une évasion où peu à peu s'élargit les ailes du temps présent de l'œuvre

d'horizons, exercé ce prolongé de la distance comme imprimé sur une mémoire encore inactivée

mis des mots sur la plaine et puis lu en silence

parmi ces espaces, ces avancées sans recul, l'abandon raisonné selon les chavirements de cœur permet encore de tenir la route ;
solitaire ;
la route qui serait de verre où les pas décidés se dédoubleraient sur le sol réfléchissant, une route simplement fragile au bord des couleurs tranchantes, des couleurs de verre, avancé

aux confins du visuel, cet espace dévoilé en toute liberté
encore la peinture

droit vers ce dernier défi,
peint ici ce qui est derrière l'évidence du vu, un enjeu de lumière, une joute de tous les regards,
l'autre versant du monde, ses lignes qui peuvent recréer, peu à peu dessinées,
peint ce revers désormais apparu, transcription d'un oubli de voir dont il faut éliminer les appauvrissements, les vagues et les flous, les excès de vide,
révélé alors dans la pauvreté des matériaux, l'humilité triomphante (qui en est la voie)

au pied de la ligne, il y a la fuite,
au pied de la ligne il y a le lien
puis dans l'étendue rien comme une couleur ;
ce rien pour reprendre le chemin, à nouveau l'équilibre, la liberté retrouvée
l'espace inconnu qui nous projette dans des forces nouvelles ;
tant d'empreintes alors visibles

espace qui ne semble tenir que par la ligne en son centre, fragile, cette ligne qui lui donne tout son sens, son équilibre, son infini

que serait un horizon sans elle, cette définition du plein coeur ?
que serait un paysage qu'aucune ligne ne traverserait, un monde sans cheminement,
ni avancée ?

ligne qui ne cloisonne pas, ligne qui libère, ramené au réel par cette simple ligne, guidé, emporté, ligne posée parmi un rêve lisse et translucide de couleurs endormies, accalmie de nuances dans la plaine, en bordure le silence sans distance,
ligne d'un noir soleil, noir d'une totale lumière, éblouissement qui parcourt et qui pointe, qui court aussi parmi le lointain, chaleur,
ligne qui bouleverse la couleur,
ligne qui serait sa parole

ligne qui ne divise pas, qui rassemble la couleur, qui unit pour le chant total, vertical celui qui élève, celui qui apaise, ligne pour prendre la distance nécessaire, générale
plénitude, bien être central, amplitude

apprivoisé ces paysages qui ont le don d'élever, de tenir des verticales renouvelées le long de chemins repères, des verticales pour tenir droit à mesure

couleurs verticales et pourtant qui évoquent l'horizon précieux, dans lequel le regard plonge, et puis intervient la ligne ; désiré en secret s'y attarder, y vivre peut-être, s'y prolonger sans doute

ligne majeure, pour dire juste l'horizon, pour faire parler le grand espace, le grand sentiment, vibré juste d'une main

ligne miracle juste pour écrire évasion sur l'écran de l'esprit, ce mot lu sans cesse ensuite inconscient à souhait au milieu des jours

ligne constante qui écrit évasion sur les images de l'imaginaire (en instance de partage)

ligne d'inflexions comme une écriture ancestrale que les hommes ont oublié de traduire, un langage premier et primordiale à prononcer à nouveau

ligne comme un effacement du familier, de l'habitude, comme un devoir de départ et d'inconnu, un face à face qui engage l'instant d'après

ligne centrale comme une voie droite parmi le paysage aux couleurs tonales et variables, parmi l'immensité forte, sonné le repère tellurique, semblé voir alors la ligne friable,
effritement du durable, cette nuance de marbre pourtant si dure

ligne exacte qui ne connaît pas l'exil, qui ne connaît pas la solitude non plus, entourée toujours de couleurs d'aucune hésitation, de tout recul, l'étendue qui a l'air de soutenir;
ligne posée ou bien suspendue parmi cet écrin, parfois perdue comme un arrêt délicieux parmi la couleur, qui permet le cheminement au milieu de tant d'impressions vives

ligne comme une acceptation de la fuite, sa révélation, une possible fuite qui prolonge la ligne

cerné aussi la lumière d'entre les tremblements du trait qui est la main qui a parcouru

apaisement simple ligne et puis discours ou tremblement, transition

enjeu, parole et chuchotement, lien et transmission, l'adoubement du paysage a lieu en plein cœur ; remis le trait droit, la noble ligne, l'arme de lumière en échange de l'immense
accordé, son seigneur est sa lumière qui se tait et observe;
et quand bien même elle ne serait pas réelle, tout porte au cœur

paysage, au loin se redressent quelques ombres qui dessinent une ligne, peut-être une ville, contentement dans l'apparition

dessiné, rendu en quelques traits toute la force étendue des points de vue, la ligne comme un surcroît d'horizon

diptyque d'horizon, dès lors sacré, comme couronné par l'infini de l'étendue, imaginé alors d'invisibles et tremblants donateurs, l'amour d'un côté, le chant de l'autre, recueillis en prière devant le grand espace qui prononce la lumière




et puis au contact de la vie, réapparitions, dialogue entre l'horizon souvenir du tableau et l'horizon réel couché sous mes yeux

D54

aval du tableau, fait reines toutes les persistances engagées, l'œuvre projeté alors sur le paysage naturel de la réalité, parfois celui réactivé en amont,
s'y expose son souvenir dans un dialogue constant, intense, créatif,
formation d'un horizon nouveau qui permet de relire le réel, de le découvrir encore, superposition

à l'œuvre de ces paysages, l'ouvrage qui ouvre, relu, réinitialisé, le réel
comme un hommage,
revu tes villes, projetées sur la mienne, par le hasard du soleil, ce grand projecteur
à la séance du couchant,
revu aussi tes paysages surexposés sur ma campagne familière, relu alors avec des nuances nouvelles les silhouettes de villages,
peinture qui retranscrit le réel peu à peu, grandeur dans l'humilité toujours,
horizon qui réalise avec éclat le premier admiré un jour, cette simplification pure qui est celle du regard de l'enfant

cerné le présent d'un horizon admiré où intervient le souvenir de la toile, la mémoire de la peinture qui permet de repeindre selon son procédé le paysage que l'on a face à soi

passé avec joie de mes propres souvenirs glissés sur le tableau au souvenir du tableau élevé sur mes propres horizons

première projection, soleil bas sur la ville (les toits illuminés)

jeu de dessin issu de la ville elle-même vivante et créatrice, hasardé sur sa chair animée, mur de hasard, dessin de lumière au trait d'ombre

à travers les carreaux de la fenêtre du soir, remarqué sur la cheminée d'en face les lignes de tes possibles villes légères et flottantes, passagères, contours d'ombre précis projetés sur la pierre de clarté ; d'un trait de lumière, reconstitué frémissant un horizon lointain, intermittence d'ombres, celle des toits, celle des jardins, celle des clochers ou bien des tours, ombres de ville sur la ville, ombres de vie qui révèlent, le tracé préparatoire

séances suivantes, campagne et plaine, villages, soleil bas et haut

la courbure qui salue l'horizon;
attendue, je sais qu'elle sera projetée bientôt, sa sortie est annoncée dans mon coeur, patienter, s'en remettre au travail précis des apparitions, les nuances qui s'effilent

joué sur cette ligne une musique nouvelle, ligne partition sur le grand espace où l'horizon se joue en quelques notes sur la scène de nos mémoires, en rappel, sur la scène des couleurs vives, des couleurs essentielles, bercé de sons qui recomposent, qui délient le rêve

vu le clocher du village alors comme un tremblement d'ombre en élévation, petite flamme d'un coeur en lutte

et puis sur cette ligne, dressé ce clocher fragile qui pointe, qui sonne la présence de toute la ville, qui guide une réponse et amène au souvenir d'une musique, le repère signalé du rêve, ce clocher tremblant hissé courageusement vers le ciel jaune ou orange parfois bleu, ce clocher qui sonne juste dans son élan solitaire l'esprit des distances

simple clocher qui semble s'élever dans un dernier effort pour indiquer de nouvelles couleurs, qui semble donner un ton mélancolique à toute la ligne, qui impressionne la force dense de la plaine (ce que l'on croit avoir vu, vertu des paysages traversés), le repère qui permet de ne pas faire naufrage;
sonné le soutien, bienveillant sur l'étendue qui l'entoure, qui l'honore et le charme

une ville ou bien alors une falaise d'ombre, une colline évoquée, la limite encore, brisure précieuse, nette et affleurante qui appelle au refrain

ce trait comme si la ville exaltait, accentuait, amplifiait les couleurs de plaines assagies, reposoirs d'espoir, au pied d'éventuels remparts qui semblent plus ouvrir que protéger

la ville qui tranche, qui oppose son rythme à celui de toute la Nature unicolore, la ville contraste, la ville frontière qui capture toute l'attention, la résilience de l'espace,
la ville comme une vérité peu à peu qui se précise
la ville comme un traité d'horizon et de lignes, que l'on ouvre seulement au grand couchant pour y lire des renouvellements, des continuations, un prolongement pour des villes prochaines

la ville effilée, qui ni ne commence, ni ne termine comme un collier de perles suspendu et infini dans le vide, suspendu dans la couleur qui se prolonge, accroché à la densité du ton qui déborde

et la où commence la ville, qu'est-ce qui termine, la couleur ou bien le rêve ?

dernière séances, panorama d'une église, retrouvé à nouveau le chant, reconnu l'écho superposé au réel enflammé, soleil ultime

véritables petits tremblements d'arbre comme une tour millénaire peut-être, lignes d'horizon formées, déformées, reformées, mirage sûrement, miracle aussi, ressurgit du lointain qui rappelle (le refrain imagé),
cette tour encore pour guetter finalement la petite attention, l'émotion sincère qui perle sur le visage du fidèle (qui admire ou bien qui se soustrait)

tremblante, une ville presque en larmes qui apparaît dans l'éloigné certain, les cheminées qui sont ces larmes fidèles et justes, les édifices aux tremblements sûrs et forts, renforcés, ressoudés de lumière;
le tremblement devenu matériaux de construction, fondation possible, un tremblement qui ne serait pas si fragile alors, une force certaine à saisir avec recul

ultime séance, convoqué le rêve

renflammé le réel avant le grand final

gardé un peu du grand espace sur le coin de la toile, pour y faire tenir encore nos rêves, nos rêves qui semblent se dessiner le long de la ligne, nos rêves qui semblent dessiner soudain une ligne nouvelle, fière et solide, nos rêves qui dessineront des rues, des seuils de jardins clos, des maisons de briques aux angles de pierre, peut-être des palais;
promenade

vu aussi sur ces paysages les traces d'un soleil qui ne pourrait tromper le monde, leurs couleurs enveloppantes, clair sincère




final, les trois moments en chœur, rassemblés, la mémoire qui expose

D56

admiré, dans la mémoire devenue alors une grande exposition, les images des trois moments précédents réunies en un même instant (de bonheur), chant unique du souvenir où s'exposent et dialoguent la mémoire du tableau avec celle des paysages du réel admirés pour ne former peu à peu qu'une seule image unique en gloire où se juxtaposent avec exactitude couleurs et ombres, paysage d'idéal, dans une douce intervention des persistances, nuances et lignes, l'espace déclaré

l'œil qui se souvient, les persistances (mémoire créatrice des paysages vécus, ce qu'il nous reste d'un réel dessiné, la renommée du vu)

vu se transformer le paysage souvenir, déclaré, apparu, passé, sur celui du tableau ; admiré ensuite les deux revenir ensemble s'exposer sur l'horizon réel puis enfin dans la mémoire vive - cheminement - enchantement

investi d'idéal l'étendue, heureux ceux qui s'y projettent, déploiement d'un rêve sans repère d'un temps long que l'on pressent

sous ce désolé apparent, finalement rien de désolé, sous cet abandon qui semble s'étendre rien d'abandonné non plus;
ressenti tout l'espace, attendu juste l'ouverture, attendu que l'oeil perçoive le surplus concentré en amont, cette liberté indomptable et dense qui traverse la couleur pure, cette liberté emmagasinée dans le flux intense qui recouvre toutes les tensions de l'étendue, cet amour de l'horizon qui éclate, dont les ombres peuvent fleurir les unes après les autres sur de douces et infimes perspectives, dans les transparences qui s'accumulent, sur-couches qui finissent par apparaître, la part imaginaire en scène, ces voiles que l'on finit par voir trembler, lignes et lumières qui culminent pour atteindre la réserve des coeurs, l'espace qui dilue les peines et les angoisses;
là où la couleur traduit la lumière puissante du grand espace
là où la couleur lisse le trait pour le rendre vivant

derrière ce silence, tant de bruit, plus rien de silencieux
derrière cette couleur, davantage de couleurs encore, toutes les couleurs de l'espace
sur cette ligne, tant de rêve, juste à réveiller, juste à évoquer

poussières d'horizon qu'aucun vent ne pourrait chasser, ce statique qui ne peut empêcher le vibrant, l'incantation des tremblements au lointain, petits signalements comme autant de petits drapeaux en mouvement, ces ombres qui ont pris le courage de s'élever (de la lumière), de s'aligner, de défiler, de traduire un moment capturé parmi la grâce d'un coeur qui a vu, un chemin possible, d'annoncer une parole précieuse qui a entendu le chant de l'éloigné

un paysage pour recevoir
un paysage pour donner
qui semble alors devenir immense
au rythme des émotions naissantes

un paysage où rien n'est absence, le cheminement fleuri qui s'absorbe

au premier regard, paysage de la contention, au second regard, paysage de l'ouverture, au troisième le haut chant peut alors s'écouter comme une grande messe lumineuse

la lumière qui s'achève ici dans un tremblement d'ombre, le juste sort, ces ombres qui prennent le relais de l'éclatant, cristallisation de toute leur puissance, ces ombres des formes reines, ces réceptacles qui s'adaptent aux formes de l'imaginaire et parfois à celles des rêves
dans un jeu d'emboîtement parfait

transporté au cœur du paysage, cru en l'apparition du visible, parce que tout ne pouvait se saisir d'un seul regard

fait alors apparaître l'invisible à la limite des couleurs et des ombres

débouté le réel, nouvelle image du vrai

les ombres ici comme des fleurs de toutes les couleurs possibles
les ombres ici comme de petites flammes qui s'agitent en bordure, des ombres en prière parmi la lumière;
un paysage religieux en somme, paysage icône sans visage, où le sacré se lit dans les persistances du regard, ce qui se prolonge sur la surface rétinienne, ces ombres qui ne se révoltent pas;
parole douce de la prière parmi la forte humeur lumineuse de la couleur, l'écouter, la retenir, dans une tension générale et fragile
voilà maintenant tout le paysage qui la chuchote, qui la renvoie, sur une étendue qui semble s'élargir;
s'accorder le champs pour mieux recevoir tous les élans qui se bousculent, qui s'additionnent,
l'image au plus juste, l'image de tant de moments réunis

au coeur du recueillement visuel et au seuil de ma mémoire, rêvé de ce diptyque refermé, aux revers peints, l'oubli d'un côté, la paix de l'autre, généreux donateurs de l'horizon

F4

lu un paysage qui implique la mémoire, qui semble la convoquer, l'appeler, l'acclamer, un paysage de la persistance,
devenu dans un élan durable et fugitif matériaux et composants d'images nouvelles et précieuses

peint non seulement le paysage mais aussi sa mémoire

elle et seulement elle dans le tableau, éblouie, la mémoire qui est un horizon insondable;
admiré alors de l'extérieur, allée finale vers la plénitude

et dans cette mise en mémoire de l'horizon vu apparaître l'horizon de la mémoire elle même, la mémoire en arrêt, un instantané, peut-être une mémoire universelle

l'horizon qui serait la seule représentation possible de la mémoire,
la ligne du souvenir et la ligne du paysage confondues dans un même mouvement de couleur et de lumière

paysage où notre mémoire peut prendre forme, couleur, lignes et lumières

paysage de tous les paysages, paysage de l'âme




galerie Lévy, petits formats, exposition août 2008

levy

espace variant (petites fenêtres) d'où parait l'écho

variation du grand espace sur de petites peintures, capturé ainsi à chaque nouvelle toile la variable d'un même horizon

l'espace qui implique un infini en morceaux, l'espace qui n'est jamais le même dans la seconde d'après, bouleversé sur le bouleversé qui se retire, multiplication

peint le vaste espace, dû forcément le multiplier dans ses reproductions infimes, ce temps où il ne peut jamais dans ses filets de couleur tenir l'identique, petites toiles qui impliquent alors des instants différents comme autant d'émotions et d'ouvertures possibles, comme un catalogue précis des humeurs changeantes, des références précieuses pour aborder le quotidien, des résurgences lumineuses pour aborder celle du matin, nouveau et changé,
comme des à propos de paysages qui se succèdent pour reconstituer le temps, la durée, une vie

découpé droit avec précision l'horizon juste pour démultiplier ses impressions, les aligner à volonté en cascade sur le mur, mur d'accueil dont le blanc amplifiera les couleurs sonores en suspension, la profondeur des paysages qui provoque le sentiment d'éloignement, un éloignement multiplié par la persistance de la ligne

colorié, recolorié, superposé, imprimé, dégagé, ces propres images, si grandes et pourtant qui tiennent là dans l'exact petit format de la toile




vidéo 'tu vas où ?"

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mis de l'étendue sur l'étendue
du son sur le son
du vent sur le souffle
du mouvement sur l'immobile
entendu comme l'essoufflement d'un train qui traverse la durée
recomposé l'espace du paysage
la liberté inconsciente qui s'imprime

sous la terre, sous les plaines dorées, des mers sous-jacentes, entendu des vagues affleurer à perte d'horizon, cette mer jamais très loin dans les impressions de paysages, images débordantes et sonores de nos rêves sur les larges plages de la réalité éperdue, le sommeil rompu, ce son qui sait procurer le recul immédiat, espaces nouveaux et profonds, à profusion

imaginé ce relief inversé, relief à l'intérieur de la terre aux vallées imaginaires, ces lieux encore vierges prêts à nous embarquer, nous et nos idéaux de lumière, jusqu'au bout de nos peines, juste à son écoute pour pouvoir le franchir, pour pouvoir le dessiner tout entier, le vivre, le capturer entre deux hésitations, l'achever dans l'emprisonnement de la dernière (impression qui perdure sur les autres superposées ou persistantes)

une mer sous-jacente qui se propose champs de blé ou bien simple forêt, une terre pour une autre, simplement comme si l'illusion seule pouvait dessiner une terre véritable, avec ses horizons saturés, ses champs multiformes, ses paysages aux couleurs de liberté

collage d'images en mouvement pour approfondir le détachement, la mélancolie,
aussitôt chassés, nouveaux mondes, nouveaux territoires à conquérir reconstitués par le mouvement, noble avancée, les horizons en dialogue

étendues qui pourraient être des figures divines dont les traits fondateurs se dessinent selon les oppositions, les superpositions, figures d'un siècle en recherche de croyance;
leur construire des temples, honorer le recueil, leur créer des prières que l'on gravera dans l'éclaircie de l'espace, emprunté le chemin qui se dévoile

mer qui se signale à nouveau, retrouvé intacte toute la liberté exaltée des paysages;
livré, écouté, cette liberté, cette profusion de distance et d'espace comme un chant pour faire surgir des murmures d'horizon, pour signer l'espace, sentiment sacré qui retient en lui tous les souvenirs de paysages accumulés dans les mémoires, cette profusion d'espace que l'on possède secrètement enfouie, cette tension de liberté extrême contenue en une seule image, une seule vision;
horizon prêt à en livrer tant d'autres, son sourd de la terre, sources d'espaces profonds, couleur de ciel à profusion, des lointains en transparence;
fermé juste les yeux, laissé défiler

effectué instinctivement devant la beauté silencieuse des grands espaces, ce fermé les yeux qui met à nouveau en image ce que nous voyons face au bel horizon étiré;
persistance amplifiée;
et dans ce fermé les yeux, filmé, peint, animé, en alternance, à profusion;
tant d'évasions et de reculs à dire qu'il faut prendre le temps de les interpréter, de les rendre à la vue, d'en emprunter si possible tous les chemins offerts, de s'en délivrer peut-être, et puis de les livrer à la méditation, l'autel des larmes sacrées, humblement

au seuil de l'horizon encore l'horizon, formé dans le ressenti mobile et immobile, un hyper-horizon capable de rejoindre différents ciels, de les renouveler, de les choisir mais qui au final rejoint le tien, celui qui porte en lui toutes les composantes nuageuses et multiformes, les nuances de lumières de tous ceux que tu as espérés, que tu as vus

et entre ces lignes précises, qui à elles seules capturent les forces des étendues immobiles, mis le mouvement du temps aux mille saisons, le mouvement de la plaine de l'été ou bien de l'hiver, le mouvement des grands mâts blancs de la mer, mouvements que l'on ne voit jamais sur l'horizon lointain où tout se fige

placé l'infini des mers sur la plaine, écouté le silence, submergé de possibles vagues, l'étendue pour une autre, la plaine qui induit une couleur nouvelle, celle du mouvement et de la durée, le son brut du ressac

des horizons qui se rassemblent, qui s'unissent puis disparaissent, un paysage qui semble gronder sous un autre, des vagues et des plaines qui s'embrassent largement semblant faites l'une pour l'autre, des vagues qui semblent ne plus effacer l'empreinte du passage, des vagues qui reviennent comme un souvenir d'espace aborder la terre ; voulu croire en elle, une terre légère, libre, musicale

dressé quelques mâts blancs sur la terre de blé tendre, sonnant au vent, écouté la rumeur d'un infini, sans doute la mer



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Pierre Cressant .
Décembre 2008
Mars 2009
 
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